Aujourd’hui, voler sans un Flight Data Recorder (FDR) n’est plus imaginable… Son introduction dans les avions ne s’est pourtant pas faite si naturellement. Aujourd’hui, même si son usage est commun, il n’en reste pas moins faillible dans certaines situations.

Après une catastrophe aéronautique, on entend souvent parler de ces fameuses boîtes noires. Mais même avec la grande attention médiatique dont jouit la sécurité aérienne, beaucoup de gens ne savent pas à quoi servent ces objets, pourtant si cruciaux lorsque des investigations sont menées pour élucider les raisons d’un accident.

Tous les avions commerciaux ainsi que la majorité des modèles privés modernes sont équipés de deux, voire trois boîtiers. Ceux-ci sont responsables de mesurer et d’enregistrer tous les paramètres et les activités d’un vol. Les informations envoyées en continu par les airs aux producteurs de moteurs et aux compagnies de maintenance sont également sauvegardées.

Pour mieux comprendre le fonctionnement des FDR, un petit retour dans le passé s’impose. La première boîte noire a vu le jour dans les années 1956 en Australie. À l’époque, sans l’aide de témoins, la grande majorité des causes de crashs n’était jamais élucidées. Il a pourtant fallu du temps pour que le nouvel appareil soit accepté par le monde de l’aviation. Ce n’est qu’en 1960, et après plusieurs accidents, que le gouvernement australien a finalement rendu obligatoire l’utilisation de ces enregistreurs. Suivi des autres pays du monde.

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>Vue d’un Flight Data Recorder dit « boîte noire » actuel<

Les premiers instruments récoltaient uniquement des données grossières comme le cap, l’altitude et la vitesse de l’aéronef, sur des bandes métalliques fragiles. Un enregistreur de bandes magnétiques conservait, de son côté, les conversations des pilotes dans le cockpit. Les appareils d’alors n’étaient pas très résistants à la submersion ou aux grandes chaleurs. Beaucoup de maintenance était alors nécessaire et la découverte, trop rare, des causes d’accidents au vu de l’insuffisante qualité des appareils.

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>Cockpit d’un Hawker. La plupart des données affichées dans le cockpit sont également enregistrées dans le FDR<

Cependant, avec le temps et les progrès technologiques, les données enregistrées se sont précisées. Du cran de volet sélectionné, à la température d’huile, en passant par le mode d’auto pilote actif, jusqu’au positionnement exact des surfaces de commande, leur nombre s’est aussi accru avec le développement aérien.

De nos jours, la loi dicte un minimum de 88 paramètres à enregistrer (contre seulement 29 jusqu’en 2002) et pour une durée de 25 heures de vol. Les FDR modernes utilisent maintenant des SSD (Solid State Drive). Ces puissantes cartes mémoires jouissent d’une grande résistance aux chocs, aux températures et pressions extrêmes et doivent supporter jusqu’à 3400G d’accélération : Soit l’équivalent d’un crash qui se produit à 270 nœuds (500km/h) ou à une accélération de 33km/s² pour 6,5 millisecondes. Les boîtiers sont également dotés de transpondeurs sonar qui émettent pendant au moins 30 jours afin d’être plus facilement retrouvés sous l’eau.

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>Aperçu d’un graphique issu d’un FDR lors du vol test décrit plus bas. Ici, nous voyons l’accélération mesurée en relation avec l’altitude, la vitesse ou encore l’assiette en fonction du temps<

Des tests sont réalisés à chaque fois qu’un FDR doit être changé. La grande majorité des données peuvent être simulées au sol, comme la position des volets, des surfaces de commandes, ainsi que les paramètres des moteurs. Par contre, pour vérifier les capteurs de l’Attitude Heading Reference System (AHRS) et les vitesses en vol, un essai doit être effectué en situation réelle, dans les airs.

Mon commandant et moi-même avons récemment eu l’opportunité d’effectuer une telle opération à bord d’un HAWKER 800XP. Avant le décollage, un ingénieur de vol nous a rappelé les procédures et les paramètres que nous devions enregistrer. Durant le vol d’essai, les données ont été répertoriées et soigneusement chronométrées, dans un contexte et des conditions peu habituels pour ce type d’avions : nous avons fait des essais à basse vitesse, puis à vitesses et altitudes maximales, nous sommes montés et descendus à une VS (vitesse verticale) de plus de 6’000ft/m et avons finalement réalisé des assiettes de vol de 15° positives et négatives et des virages supérieurs à 60°. Le vol a duré une heure. L’ingénieur a ensuite récupéré les données pour les envoyer à une entreprise spécialisée. Le rapport final a relevé plus tard que la boîte noire testée fonctionnait parfaitement.

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>Notre avion avant le vol<

Utiliser un tel appareil n’est pourtant pas infaillible, preuves en sont les mystères qui entourent encore certaines catastrophes aériennes. Le vol MH370 de la Malaysia Airlines disparu au sud de l’océan Indien en 2014 ou le vol d’Air France 447 Rio-Paris qui s’est abîmé dans l’océan Atlantique en 2009, en sont des exemples. Les boîtes noires de ce dernier appareil n’ont, en effet, été retrouvées que des mois plus tard au fond de la mer. Avec de plus en plus d’avions qui volent et la technologie qui avance à grands pas, ces boîtes sont donc loin d’être la solution idéale. D’autres pistes sont actuellement envisagées pour améliorer leur capacité, comme l’utilisation de boîtes noires éjectables en cas d’amerrissage ou encore l’envoi de données instantanées à des serveurs au sol pour éviter de devoir systématiquement rechercher ce précieux sésame.

Marc Schaufelberger