Voler au-dessus de nos belles Alpes suisses par une belle météo d’hiver, tutoyer le Cervin lors d’un looping pour ensuite s’engouffrer dans une vallée alpine, le tout assis sur le siège éjectable d’un jet militaire, cela vous fait rêver ? Un doux rêve dorénavant possible.

C’est l’histoire de deux passionnés Léo Schneider et Lionel Romailler ; tous deux pilotes chevronnés et actifs professionnellement en tant que pilote de ligne, et c’est à Lausanne que tout a débuté. En mettant en place, début 2015, des vols de plaisance sur un avion d’entraînement de l’Armée suisse, un Pilatus PC-7, les deux acolytes avaient déjà fait fort : ils permettaient dès lors d’offrir au commun des mortels une expérience et des sensations fortes que, jusque-là, seuls nos pilotes militaires connaissaient.

Mais le projet ne s’est pas arrêté là. L’idée d’aller plus loin et de faire voler dans le ciel suisse un jet d’entraînement militaire de type L-39 Albatros et d’en faire profiter aux civils a toujours été pour eux un sujet de conversation. Pilotesuisse a donc rencontré les deux passionnés, Léo et Lionel de Jetswissflying Association.

 

Léo et Lionel, en tant que co-présidents de l’association, pourriez-vous nous dire comment cette idée de faire voler un jet tchèque sur le territoire suisse vous est venue ?

           Tout est parti durant le meeting AIR14 à Payerne. Nous présentions en statique un Antonov AN-2 basé à Prangins. Devant tous ces jets militaires, une idée nous est venue à l’esprit : pourquoi ne pas créer une association pour faire découvrir les Alpes à bord d’un jet militaire à des passagers ? A ce moment-là, l’idée nous semblait inaccessible pour plusieurs raisons, notamment logistiques, financières et administratives. De fil en aiguille, le projet s’est concrétisé à force de rencontres et de persévérance. Notre analyse a porté sur plusieurs types d’appareils, de type Alpha Jet, MIG-15 UTI, L-29 et L-39. Le meilleur compromis en termes de fiabilité, de coûts, nuisances sonores et de vue passager s’est révélé être le L-39. En octobre 2018, au vu de l’intérêt suscité par notre projet, nous avons créé une association à but non-lucratif. Finalement, en juillet 2019, nous avons débuté notre opération associative grâce à une étroite collaboration avec la patrouille lettone, les « Baltic Bees », opérant le L-39.

Léo et Lionel devant un L-39 de Sparflex. 

 

A quelles difficultés avez-vous dû faire face pour obtenir les autorisations de vol ?

           Nous avons rencontré trois difficultés majeures. La première a été de trouver une école pour nous former sur L-39 puis d’inscrire cette qualification sur notre licence civile suisse par l’OFAC (office fédéral de l’aviation civile). La seconde fût d’obtenir les autorisations nécessaires par l’OFAC et les douanes pour voler en Suisse. Enfin, après plusieurs entretiens avec les responsables de l’aéroport de Sion, nous avons défini un cadre opératoire de la machine à Sion, notamment afin de limiter les nuisances sonores pour les riverains.

 

Une fois les autorisations obtenues, comment s’est passée la formation sur le L-39 et quelles ont été vos impressions lors du rapatriement de l’appareil en Suisse ?

           Nous avons été formés à Reims, en France, par d’anciens pilotes militaires français de l’Aéronavale. Cette excellente structure s’appelle Sparflex et opère trois L-39. Ayant tous deux beaucoup d’heures de vol ainsi que des heures sur PC-7, nous avons effectué une formation théorique et pratique en plusieurs modules.

Concernant le rapatriement de la machine, nous avons effectué un vol Riga – Sion, avec deux arrêts de ravitaillement : un en Pologne sur l’ancienne base militaire de Bydgoszcz, et le second à Ingelstadt en Allemagne. La durée totale du vol a été de 4h00, en conditions de vol à vue. C’était absolument inoubliable de voler cette machine tous les deux pour la première fois sans instructeur à travers toute l’Europe !

 

Pourquoi voler avec un jet plutôt qu’avec un appareil moins rapide ? Quelles sont les différences de sensations ?

           Tout le monde a en tête le mythique film « Top Gun ». Evoluer dans un jet militaire est incroyable, une sensation indescriptible de glisser à travers le ciel, en cherchant des courbes parfaites au-dessus des Alpes, passer d’un claquement de doigts de basse à haute altitude, tout cela en évoluant à haute vitesse, assis sur un siège éjectable !

Sensations fortes sur les Alpes.

 

Basé à Sion, lieu emblématique de l’aviation suisse, votre L-39 a trouvé l’emplacement idéal. Comment la maintenance s’organise-t-elle depuis la Lettonie ? L’avion nécessite-t-il beaucoup de contrôles d’avant et après-vol ?

           Pour chacune de nos opérations, nous devons faire venir un mécanicien des Baltic Bees spécialisé sur la machine depuis Riga. Celui-ci s’occupe de la préparation de la machine avant chaque vol et de la maintenance après-vol. Concernant les plus grosses maintenances, en général deux fois par année, les mécaniciens se déplacent depuis la Lettonie en camionnette avec les pièces détachées nécessaires.

Le L-39 est basé à Sion : LSGS.

 

Avec plus de 30 vols à votre actif depuis l’été 2019, votre rêve a réellement pris forme, mais à quel genre de clientèle votre offre est-elle destinée ?

           Le spectre de passagers est très large, allant de la personne voulant vivre une expérience intense et forte en sensations, au rêve d’enfant, ou encore un cadeau d’anniversaire emblématique ou même une sortie d’entreprise.

Petite anecdote : nous avons eu la chance d’avoir comme passagère la fille d’un des fondateurs de la Patrouille Suisse, qui volait à l’époque sur Hawker Hunter, et qui a voulu vivre les sensations décrites par son père lorsqu’elle était enfant. Elle a donc pu réaliser son rêve en volant en jet militaire, ce qui a été un grand moment d’émotion pour nous tous.

 

Le programme de vol est-il fixe ou est-il possible pour le passager de faire un vol « à la carte » ? (Lieu de vol, acrobaties etc.) Avez-vous également déjà eu des demandes, si l’on peut dire, spéciales ?

           A la base nous publions des dates fixes, nous y sommes contraints car nous devons à chaque fois faire venir un mécanicien de Riga. Il nous est donc difficile d’imaginer organiser une journée de vol au dernier moment. Cependant, si un groupe de personnes désire une journée VIP, cela est envisageable. Par exemple : des amis qui aimeraient partager ce moment unique ensemble, ou lors d’une sortie d’entreprise.

Dans les demandes « particulières », une célébrité du monde automobile nous avait émis le souhait d’effectuer un vol en patrouille avec son propre avion et nous avons pu organiser cela. Un tout bon moment…

Photo spectaculaire lors de ce vol inédit.

 

L’avion étant muni d’un siège éjectable, cela demande-t-il une condition physique spéciale pour effectuer un vol ? (Femme enceinte, problèmes cardiaques, hypertension etc…)

           Il n’y a nullement besoin d’être un athlète pour voler. Néanmoins, il y a effectivement quelques prérequis en terme de poids, de taille et d’âge. En ce qui concerne le dos, nous demandons à toute personne qui a eu des problèmes avérés de préalablement faire une demande à son médecin, mais à moins d’un problème grave, il n’y a généralement aucun souci. Au niveau du cœur, là aussi nous conseillons de faire une visite médicale si des problèmes de ce genre s’étaient déjà manifestés. Pour les femmes enceintes, il est clair que cela ne va pas être possible… mais cela peut être un joli cadeau de naissance !

Mais en résumé : en cas de doute, contactez votre médecin traitant.

 

Avez-vous déjà d’autres projets en tête ?

           Avec deux passionnés aussi tenaces, impossible autrement..! Il est malheureusement trop tôt pour en parler, particulièrement étant donné le contexte d’incertitude actuel dû au Covid19. Notre but est de reprendre des opérations de vol normales en mai ou en juin, si possible. Nous serons probablement en mesure de vous présenter notre nouveau projet au courant de l’automne. Restez connectés !

 

Pour terminer, un petit mot ou une anecdote pour nous convaincre qu’un vol sur L-39 est inoubliable ?

           Il est difficile de n’en choisir qu’une… La glisse inimitable d’un jet dans le paysage alpin, avec des ressources de 7000 pieds ou plus, c’est incomparable. Pour nous, c’est un tout : le partage avec nos passagers est souvent la source première de motivation et de satisfaction. Quand un homme d’un certain âge sort de cette belle machine avec des larmes de joie sur les joues, venant de réaliser un rêve de gosse, c’est gagné !

 

Avec un succès grandissant, l’association Jetswissflying a réussi à se placer sur le devant de la scène suisse en termes d’offre et de sensations fortes.