Magie entre aviation civile et militaire suisse, finesse et puissance, décor alpin aussi grandiose que hostile, avec en plus un ciel bleu et un thème rouge et blanc. Vous l’avez compris, Pilotesuisse a interviewé Yannick Barthe qui nous a fourni ces images spectaculaires que tout le monde a déjà vu ! Et si c’est pas encore fait, nous vous recommandons vivement de démarrer la vidéo ci-dessus et de la mettre en grand-écran !

Nous remercions très chaleureusement Yannick Barthe d’avoir pris le temps de répondre à nos questions, de son intérêt ainsi que de nous autoriser gracieusement à utiliser ses photos/vidéos pour cet article.

Cher Yannick, quel est votre cursus scolaire et comment vous êtes vous retrouvé dans l’aviation ?

Après ma scolarité obligatoire, j’ai suivi une formation d’électronicien et ensuite d’ingénieur en électronique. Je suis un passionné d’images et principalement d’images aériennes avant tout. Ma formation « technique » m’a permis de développer, avec mon frère qui était aussi technicien, des systèmes de captation d’images avec des drones téléguidés. Dans les années 2000, nous faisions partie des premiers à proposer ce genre de technique de prise de vues. C’était bien avant la démocratisation des quadricopters de DJI et des drones modernes. Le fait de tester nos prototypes sur le terrain d’aéromodélisme régional m’a ensuite amené à filmer, seul cette fois, les démonstrations de modèles réduits des amis du club et après plusieurs années d’aéromodélisme, le saut vers l’aviation grandeur nature était une suite logique. C’est en 2006, que j’ai filmé ma première démo d’aviation. Il faut aussi dire que durant toute cette période, en plus de TOP GUN, je regardais en boucle les films aéronautiques de mon ami Lionel Charlet. C’est aussi lui qui m’a transmis, à travers ses images et la poésie de ses compositions, cette envie de filmer l’aviation.

Yannick Tournage Emmen 2015

>Tournage à Emmen en 2015<

Votre profession primaire est différente de votre activité de réalisateur. Est-ce un choix, un besoin? Alliez-vous bien les deux?

C’est une question très intéressante et on me demande souvent si je veux faire de mon activité de production de films mon métier principal. Bien que c’était un hobby dans un premier temps, ce n’est plus le cas aujourd’hui. En 2014, j’ai diminué le temps de travail de mon premier emploi pour pouvoir exercer les deux activités en parallèle.

Quoi de plus beau que de vivre uniquement de sa passion ? Evidemment, au départ, j’y ai pensé. Aujourd’hui, avec une famille et les responsabilités qui vont avec, il y’a un certain équilibre à trouver (sécurité financière, présence à la maison, santé, etc..). J’adore voyager, j’adore les semaines de tournage intenses en pleine immersion avec mon sujet. Ce sont des expériences uniques et très enrichissantes mais je ne me vois pas passer la majeure partie de mon temps, seul, dans des chambres d’hôtels aux quatre coins du monde et loin de ma famille. Le fait que le revenu alimentaire vital soit assuré par mon emploi principal me permet d’être totalement libre dans ma tête au moment où je dois être créatif et cela me permet en plus de choisir les projets sur lesquels j’ai envie de travailler. Je veux continuer de faire des films avec de la passion et non sous une contrainte financière, cela se ressent dans les images. Je continue également de réaliser des projets personnels en parallèle a mes mandats, sans rémunération, juste pour le plaisir de filmer, de voler et partager des cette passion de l’image.

Yannick Tournage Super Constellation Belp 2

>Tournage Super Constellation à Bern-Belp<

Je suis un entrepreneur, je n’aime pas être enfermé dans un cadre trop serré et j’ai ce besoin de pouvoir être créatif. Quand on est passionné, c’est parfois difficile de se donner des limites, on a souvent envie d’en faire « trop » et on n’arrive pas forcément à s’arrêter au bon moment. Mon travail de réalisateur m’offre une très grande créativité mais est également très exigeant physiquement : les journées de tournages sont souvent très longues et le fait de devoir rendre certains produits dans des délais très courts font que les nuits qui suivent sont très courtes également. Je pense qu’aujourd’hui, le fait d’avoir deux emplois est un excellent équilibre pour mon mental, pour mon physique, pour ma santé et ma famille. J’ai également de la chance d’avoir un très grand soutien de ma compagne qui m’assiste aussi sur les grands tournages en tant que cadreuse ou photographe.

Il est aussi intéressant de dire que mes deux emplois se ressemblent sur certains points. A coté de mon travail de réalisateur de films aéronautiques, je suis ingénieur de projets dans le réseau moyenne tension (gestion de projet, construction et développement d’installations de transport d’électricité, un domaine très intéressant). Quand on réalise un film avec un tournage conséquent et de façon professionnelle, la partie « gestion du projet, finances, coordination, organisation, etc.. » est beaucoup plus importante que la partie « tournage ». Mon expérience en gestion de projets est donc un atout très important et essentiel pour mon travail de réalisation de films.

Aimez-vous ce que vous faites et à quoi ressemble une journée/période type de votre métier de réalisateur?

Oui j’adore ce que je fais et je continuerai de le faire tant que cela me plait et me passionne. Le jour où cette passion ne sera plus là, il sera temps de passer à autre chose. Un projet s’étale souvent sur plusieurs mois ou même plusieurs années selon sa complexité. Cela démarre souvent par une rencontre avec le client et la définition de ses besoins. Une fois l’aspect financier discuté et approuvé, on commence à travailler sur le storyboard et sur l’organisation du tournage, de la logistique, préparer les voyages, autorisations, l’équipe, etc… Les jours de tournage commencent souvent très tôt car il y a toujours une préparation nécessaire avant d’enclencher la caméra. Une fois de retour à la maison, il y a le déruschage et la sécurisation des données (si cela n’a pas déjà été effectué sur le site de tournage). On pourra ensuite commencer le montage des images avec le son et la musique, les titres, la correction des couleurs, etc… S’ajouteront ensuite les corrections demandées par le client, la mise en ligne du clip et sa promotion via les réseaux sociaux. Quand tout est terminé, on repasse avec la casquette de chef de projet pour l’archivage des données et la partie décompte, facturation, etc…

Points positifs :
En tout premier, le fait de pouvoir voler en jet, en avion de légende, en hélicoptère, en planeur, en ballon à air chaud, etc… la liste est longue. On voyage, on découvre des choses que l’on ne pourrait pas voir dans la vie de tous les jours et on participe souvent à des projets hors du commun. On rencontre des gens passionnés et les liens noués avec les équipages et les pilotes sont souvent très forts, des amis, une grande famille. De très grands moments de fatigue m’on souvent fait envie de tout plaquer en fin d’année, mais il  suffit de passer quelques heures avec les amis pilotes et la motivation est de retour. En bref, la routine, on ne connaît pas et on s’éclate entre passionnés, on vit et on partage cette passion du vol, de la 3ème dimension et de l’image.

Yannick en vol, tournage PS Cervin 2015

>Tournage avec la Patrouille Suisse en 2015<

Points négatifs :
Des semaines où l’on dort 3h par nuit. Des tonnes de matériel vidéo à trimbaler continuellement. La technologie vidéo en constante évolution et les coûts exorbitants à dépenser en matériel pour toujours être dans la course. Des tournages sur des tarmacs lorsqu’il fait 35°C ou en plein hiver lorsqu’il fait -25°C et qu’on y perd ses doigts. Certaines contraintes financières qui nous empêchent de réaliser nos rêves où les rêves du client. Mais finalement ces points négatifs sont largement compensés par tout ce que m’apporte ce métier de réalisateur de films d’aviation. Et puis, si c’était facile, ça ne serait pas autant intéressant de réussir ses plans. On dit souvent qu’il faut mériter ses images.

Yannick Tournage Balloon Concept 2014

>Tournage Balloon Concept en 2014 avec les pieds dans la neige<

Combien de temps vous faut-il pour réaliser une vidéo ?

Cela dépend du genre de tournage, de la préparation et de la difficulté des prises de vues. Je travaille de deux manières, soit à la façon d’un journaliste soit à la manière d’un réalisateur. En meeting aérien, les pilotes ont un programme bien précis et minuté. J’ai le privilège d’être avec eux mais je ne dois pas les gêner, je dois donc m’effacer avec ma caméra et capter les émotions, les images, etc… sur le vif en sachant qu’il n’y aura pas de deuxième prise. Pour des films d’entreprise, où l’on décide de préparer une vidéo spécifique, tout est préparé à l’avance avec un fil rouge pour l’histoire et un story-board. Le tournage est ensuite beaucoup plus simple car on va filmer ce qui a été dessiné à l’avance et plusieurs prises sont possibles si nécessaires. Maintenant, il ne faut pas oublier que filmer avec des avions ou hélicoptères coûte très cher et l’on n’a pas forcément les moyens de refaire plusieurs séquences, surtout lorsqu’on tourne en l’air. La préparation est donc primordiale. Je n’aime pas donner de temps sans connaître le projet à réaliser car cela peut être relativement différent d’un projet à l’autre. Comme exemple : pour le clip de la Patrouille Suisse en Corse, c’était 2 jours de déplacement, 3 jours de tournage et 3 jours de montage, export, mise en ligne, archivage des données, etc…

Vous vous êtes assez spécialisé pour tourner avec la Patrouille Suisse. Ce n’est pas un hasard j’imagine ?

Un hasard, oui et non. Le fait qu’aujourd’hui, je puisse filmer de manière privilégiée une des meilleures patrouilles du monde n’est pas un hasard, c’est le résultat de 10 ans de travail et d’un investissement important. La rencontre avec le team, elle, s’est fait presque par hasard. Je filmais en Norvège lors d’un meeting aérien en 2012 avec le démonstrateur solo display du F/A-18 Suisse et c’est lors d’une soirée organisée par le meeting que je me suis retrouvé à la même table que les pilotes de la Patrouille Suisse. C’est là que tout a commencé mais ce n’était pas encore gagné. Il a fallu ensuite prouver ce dont j’étais capable autant du point de vue «qualité des images » que du comportement humain. Il y a une superbe ambiance dans le team et beaucoup de respect.

Yannick avec Deasy Pilote Solo FA18 Display Payerne 2012

>Yannick Barthe en compagnie de Deasy, le pilote Solo FA18 Display à Payerne en 2012<

Votre métier demande beaucoup de travail, tout le monde pourrait-il le faire ?
Avez-vous des conseils à un jeune qui souhaiterait faire de la photo/vidéo ?

Je pense que tout le monde doit pouvoir faire ce qu’il lui plaît. Maintenant, le chemin entre un hobby et une activité professionnelle est long, très long. Ce n’est pas pour autant qu’il faut se décourager mais il faut être conscient, patient et ne pas brûler les étapes. Être persévérant et croire en soi. Aujourd’hui avec Facebook, c’est la course aux « likes » et il faut consommer tout de suite, même des clips filmés au smartphone. Même si je suis actif sur les réseaux sociaux et que je pense que ce sont des outils intéressants, rien ne vaut des vidéos de qualité, bien réalisées et des relations concrètes et authentiques avec les pilotes, les mécaniciens et les teams. En plus de 10 ans de travail, c’est surtout des rencontres et des personnes qui m’ont fait avancer, qui m’ont ouvert des portes importantes.

Avez-vous d’autres passions ?

En plus de l’air, j’aime particulièrement l’eau. Natation, promenade en bateau ou baignades dans les plus beaux lacs de Suisse… Si ma passion première est la vidéo, j’aime beaucoup faire de la photo, le processus est plus simple et plus léger. Et bien évidemment, le cinéma.

A quoi pensez-vous en ce moment ?

Ce qui me passe par la tête, une multitude de nouvelles idées et de nouveaux projets à développer… mais avant cela, je dois encore finir et livrer 4 nouveaux clips jusqu’au mois de Novembre de cette année.

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>Merci à Yannick Barthe<

Si vous avez aimé cet article et le travail de Yannick Barthe, Pilotesuisse vous invite à visiter son site internet ainsi que sa page Facebook pour de plus amples informations sur ses œuvres et actualités :

Yannick Barthe.ch
Yannick Barthe sur Facebook

 

En cadeau, un autre vidéo sublime de Yannick Barthe qui représente un peu plus son travail :