(Avec l’aimable participation du Service suisse d’enquête de sécurité (SESE))

Dans un esprit de prévention, les animateurs du site pilotesuisse.ch ont décidé de vous livrer occasionnellement des extraits de rapports établis par le Service suisse d’enquête de sécurité SESE. L’extrait du rapport final N° 2009 ci-dessous comprend le déroulement du vol, l’analyse ainsi que les causes de l’accident.
L’entier du rapport figure ici: Rapport N° 2009

Accident de l’avion experimental type Opus 3, immatriculé OY-CYZ survenu le 23 août 2005 vers le col de la Furka, commune d’Oberwald (VS), à 50 km ENE de Sion.

 

Déroulement du vol

Préambule

Le pilote pose son appareil Opus 3 sur l’aérodrome de Rarogne, en provenance du Danemark, le vendredi 19 août 2005 dans l’intention de participer au rassemblement de propriétaires d’avions de catégorie experimental qui se déroule en fin de semaine. Il est accompagné d’un ami danois qui se trouve aux commandes d’un appareil experimental du type Europe.

Au terme de la manifestation, les deux pilotes sont contraints de repousser par deux fois leur vol de retour en raison des conditions météorologiques défavorables.

Préparation du vol

Selon ses propres déclarations et celles de son ami, le pilote entreprend de regagner son pays d’origine le mardi 23 août 2005 en milieu de matinée.

Il se présente, en compagnie de son compatriote, au bureau de piste de l’aérodrome de Rarogne. Ils se livrent ensemble aux préparatifs du vol de retour à destination de Bornholm. La situation météorologique est consultée au moyen de la borne AMIE – AIS MET Information Environment et un plan de vol est déposé sur internet. Celui-ci précise le trajet suivant:

LSTA-LSPU-EDTZ-DKB-ERF-MAG-TRT-EKRN

La durée de vol est estimée à 4:30 h. L’appareil avait été avitaillé la veille en prévision du retour.

Le vol de l’accident

A 10:16 h, le pilote de l’Opus 3 décolle sur la piste 28 de l’aérodrome de Rarogne et se dirige vers la vallée de Conches. Quelques minutes plus tôt son ami Danois quittait l’aérodrome valaisan aux commandes de son avion pour emprunter un itinéraire identique.

Le pilote de L’Opus 3, dont la vitesse est supérieure à celle de l’avion Europe, rejoint et dépasse ce dernier dans la région de Münster. A cet endroit et selon ses déclarations, alors qu’il se trouve à une altitude d’environ 6500 pieds, le pilote de l’avion Europe remarque que son ami vole à une hauteur supérieure à la sienne. Un contact visuel est maintenu jusqu’au survol de la localité d’Oberwald. Durant cette première phase de vol, les deux amis s’entretiennent régulièrement par radio. Alors qu’il se trouve dans la région du col du Grimsel, le pilote de l’avion Opus 3 signale à son compatriote qu’il rencontre de forts vents rabattants. Par conséquent, il conseille au pilote de l’Europe de prendre suffisamment d’altitude dans la vallée.

Il s’agit là de la dernière communication établie entre les deux pilotes. Les tentatives de contact ultérieures resteront vaines.

Selon les déclarations du pilote de l’Opus, son avion se trouve à une altitude de 7500 ft à l’approche du col de la Furka qui culmine à 2431 m (7976 ft). Les données GPS indiqueront cependant qu’au pied du col l’altitude de l’appareil est voisine des 7000 ft, soit près de 1000 ft en dessous du passage du col.

Réalisant que les performances de son avion ne permettent plus d’obtenir l’altitude nécessaire pour le franchissement du col, il envisage de rebrousser chemin. A cet instant, et toujours selon ses déclarations, sa vitesse indiquée est de 60 kt et le pilote la juge insuffisante pour y effectuer un virage exigeant une inclinaison élevée. Il opte alors pour un atterrissage d’urgence en poursuivant son vol face à la pente qui se présente devant lui. Il choisit de remonter la vallée à pleine puissance et basse vitesse. La prise de contact avec le terrain se fait à angle réduit. L’Opus 3 touche une première fois le sol avant de rebondir et de s’immobiliser une quinzaine de mètres plus loin (annexe 1).

Grièvement blessé et prisonnier de l’épave, le pilote parvient à saisir son téléphone portable et à donner l’alerte.

Pendant ce temps, le pilote de l’avion Europe remarque quelques faibles turbulences sans noter de vents rabattants au travers du col du Grimsel. Dans un premier temps, celui-ci ne s’inquiète pas de la perte de communication avec son ami qu’il attribue à la topographie. Aussi décide-t-il de poursuivre son vol au-delà du col de la Furka.

A l’approche de la localité d’Andermatt, n’ayant toujours pas pu établir de contact radio avec son compatriote, il décide de rebrousser chemin. C’est ainsi qu’il aperçoit l’épave de l’Opus 3 sur les contreforts ouest du col de la Furka. Il tente d’établir une liaison avec l’appareil accidenté sur la fréquence 124.7 MHz (Zürich Information) puis sur la fréquence d’urgence 121.5 MHz, tout en effectuant des cercles au-dessus de l’épave. Sur cette fréquence, il lance plusieurs appels de détresse sans succès.

Il décide alors de gagner l’aérodrome de Münster pour y atterrir. Comme la piste est occupée par une manifestation, il renonce à s’y poser, poursuit son vol et rejoint l’aérodrome de Rarogne.

Entre-temps, un hélicoptère est dépêché sur les lieux de l’accident et le pilote accidenté transporté à l’hôpital.

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Analyses

Aspects techniques

Selon la déclaration du pilote, l’accident n’est pas la conséquence d’une avarie du moteur ou d’un problème technique. Aucun défaut technique n’est apparu au cours des différents examens visuels de l’épave.

La quantité d’essence embarquée était suffisante à l’accomplissement de ce voyage.

2.2 Aspects opérationnels

En approchant la région de la Furka, le pilote a réalisé que son altitude ne lui permettait pas de franchir le col. S’il avait poursuivi la montée avec le taux adopté dans sa première phase de vol, il aurait pu franchir le col de la Furka en toute sécurité.

Cet accident relève d’une technique de vol inappropriée en milieu alpin puisque son altitude était insuffisante et que sa position et vitesse de vol d’environ 60 kt ne lui permettaient pas de faire demi-tour. D’autre part, le profil de vol adopté, qui a vu se succéder montée et descente, n’était pas en adéquation avec les conditions météorologiques locales, observées par le pilote lui-même. On se souvient effectivement qu’il avait relevé la présence de vents rabattants au travers du col du Grimsel et qu’il avait mis en garde son camarade, lui conseillant de gagner de l’altitude dans la vallée.

Afin d’éviter une perte de contrôle, le pilote a judicieusement opté pour un atterrissage d’urgence sur le versant montagneux qui se présentait face à lui. Ce choix a fortement contribué aux chances de sa survie. En effet, en se présentant face à la pente à pleine puissance en maintenant une incidence élevée, l’impact s’est produit à une vitesse réduite.

3.2 Cause

L’accident est dû à un impact avec le sol lors d’un atterrissage d’urgence dans un site montagneux consécutif à une tactique de vol inappropriée.